Le vote de la France à l’UNESCO respecte l’histoire juive, maintient le gouvernement malgré son soutien à une décision négationniste

Le ministre des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault a repris devant l’Assemblée Nationale les termes utilisés par le président de la République, François Hollande, pour défendre le vote de la France en faveur d’une décision niant l’histoire juive à l’UNESCO : « rien dans le vote de la France ne doit être interprété comme une remise en cause de la présence et de l’histoire juives à Jérusalem ». D’autres voix comme celles du ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve et du Premier ministre Manuel Valls commencent à s’élever au sein du gouvernement pour se distancier de ce vote – encore que Manuel Valls prétende lui aussi que la France ne nie pas la présence et l’histoire juives à Jérusalem. Il reste que ces éventuelles prises de conscience sont timides et arrivent trop tard : le mal est fait.

« La France a voté ce texte avec d’autres pays européens pour marquer son attachement au maintien du statu quo sur les lieux saints à Jérusalem », a déclaré le chef du Quai d’Orsay Jean-Marc Ayrault à l’Assemblée Nationale le 10 mai en réponse à une interpellation du député Claude Goasguen. « Rien dans le vote de la France ne doit être interprété comme une remise en cause de la présence et de l’histoire juive à Jérusalem. S’il y a une incompréhension du fait de certaines formulations dans cette résolution je le regrette », a-t-il dit… à propos d’une décision de l’UNESCO votée par son gouvernement qui nomme Israël « Puissance occupante » (remettant en cause la présence juive à Jérusalem) et efface l’existence historique du Temple de Jérusalem, désigné comme un lieu musulman (remettant en cause l’histoire juive à Jérusalem). Les formules utilisées par le ministre des Affaires étrangères montrent bien que sa position est partagée au plus haut sommet de l’état puisque le président de la République a utilisé les mêmes termes, mot à mot.

L’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) est une agence de l’ONU créée en 1945 dans le but de « construire une paix durable » devant « s’établir sur le fondement de la solidarité intellectuelle et morale de l’humanité ».

Pourtant, le 16 avril dernier, le Conseil Exécutif de cette organisation a violé un à un tous ses propres principes en adoptant une décision niant les liens historiques et religieux du peuple juif avec la terre d’Israël.

Réécriture islamique de l’histoire

L’ONU est en proie à une instrumentalisation répétée et focalisée contre Israël par les pays de l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI), qui représentent plus d’un quart des votes et davantage en incluant leurs alliés. La décision intitulée « PALESTINE OCCUPEE » pour laquelle a donc voté la France a été présentée par de grandes « démocraties » : l’Algérie, l’Egypte, le Liban, le Maroc, Oman, le Qatar et le Soudan. La décision est une nouvelle instrumentalisation d’une instance onusienne par les pays islamiques à la poursuite de buts politiques agressifs. Elle annonce la couleur en traitant Israël de « Puissance occupante ». Elle efface toute référence au nom du Mont du Temple, dont seule une religion, le judaïsme, a fait son lieu le plus saint en y construisant le Temple éponyme sur les lieux où la Torah dit qu’Abraham offrit son fils Isaac en sacrifice; lui substituant les appellations islamiques (« La mosquée al-Aqsa/al-Haram al-Sharif ») inventées suite aux conquêtes arabes plus tardives par un islam tentant de faire passer Jérusalem pour son troisième lieu saint (en complément à ceux de la Mecque et de Médine, dans l’Arabie où est née cette religion) afin de priver les Juifs de leur ancrage religieux, historique et territorial dans l’espoir de les supplanter.

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Reconstitution du Second Temple il y a 2000 ans (construit sur le Mont du Temple, détruit par les Romains et remplacé plus tard par le bâtiments islamiques) au Musée d’Israël à Jérusalem

Le texte de l’UNESCO se réfère également à ce que les Français appellent le Mur des Lamentations, en référence aux siècles durant lesquels les Juifs, bannis du Mont du Temple par les Byzantins, se lamentaient face au mur situé en contrebas. Les Juifs appellent ce lieu le Mur occidental (Kotel HaMa’aravi en hébreu). C’est en effet un vestige du mur de soutènement du Second Temple situé sur le côté ouest de l’enceinte, en contrebas de l’esplanade qui recouvre le Mont du Temple. Le Second Temple avait lui même succédé au Premier Temple, bâti par Salomon il y a 3000 ans et détruit en -587 par les Babyloniens. Au centre du complexe trônait le Saint des Saints, où furent à l’époque du Premier Temple renfermées l’Arche d’alliance et les Tables de la Loi. Le Mur occidental est aussi le lieu accessible le plus proche de l’esplanade où les Juifs puissent prier, puisque encore aujourd’hui la prière est de manière discriminatoire interdite aux non-musulmans sur le mont lui-même par l’autorité musulmane en charge de sa gestion, le Waqf. Pour l’UNESCO, donc, l’espace où prient les Juifs devient « Place Al-Buraq (« place du Mur occidental ») » – référence à une mythique monture ailée qu’aurait emprunté Mahomet dans un rêve pour se rendre dans la « mosquée éloignée (al-Aqsa) » sans jamais que le Coran ne précise que ce lieu était à Jérusalem, comme les pays musulmans l’affirment désormais afin de se l’approprier. Le Mur est donc renommé Al-Buraq (« l’Eclair ») du nom de la monture que Mahomet y aurait attaché; mais l’animal lui-même n’est pas mentionné explicitement dans le récit de ce voyage par le Coran (Sourate XVII verset 1). C’est dire si les fondements religieux islamiques pour prétendre faire de ce lieu un endroit aussi sacré que pour les Juifs dont le Temple constituait le centre spirituel sont ténus.

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Le Mur occidental à Jérusalem où prient, comme on le voit, les Juifs (photo © Ilan Rein)

Au passage, l’histoire du christianisme est elle aussi bafouée puisque Jésus fut selon l’Evangile présenté au Seigneur sur le Mont du Temple et circoncis conformément à la loi juive huit jours après sa naissance; l’Evangile rapporte ensuite que Jésus chassa les marchands de l’enceinte du Temple de Jérusalem (Marc 11:15 « Ils arrivèrent à Jérusalem. Jésus entra dans la cour du Temple et se mit à en chasser les marchands qui s’étaient installés dans l’enceinte sacrée ainsi que leurs clients« ).

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Pieter Brueghel l’Ancien – Christ chassant les marchands du Temple

De nombreuses autres réécritures islamiques de l’histoire figurent dans la décision votée. Les tombeaux des grands personnages de la Torah deviennent des sites « palestiniens », avec leur nom arabe cité en premier : « Les deux sites palestiniens d’Al-Haram Al-Ibrahimi/Tombeau des Patriarches à Al-Khalil/Hébron et de la mosquée Bilal Bin Rabah (un nom que même les musulmans n’utilisaient pas il y a seulement 20 ans)/Tombe de Rachel à Bethléem ». Israël est même fallacieusement accusé de planter des fausses tombes dans son entreprise de « judaïsation » – une pratique que précisément les musulmans eux-mêmes utilisent à Jérusalem !

Le déshonneur de la France et la réaction des représentants politiques

Toute personne de bonne foi et soucieuse de la rigueur intellectuelle dont se réclame l’UNESCO comprendra donc que l’adoption de cette décision vise à clamer Jérusalem et la terre d’Israël comme propriétés exclusives de l’islam – au détriment des deux autres religions dont ces lieux sont le berceau.

Certains pays occidentaux ont refusé de se prêter à cette falsification : l’Estonie, l’Allemagne, la Lituanie, les Pays Bas, le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Comme le fait remarquer Shmuel Trigano, « nombre de ces pays sont d’origine protestante et relèvent d’univers religieux dans lesquels l’«Ancien Testament» a été reconnu, alors que les pays catholiques ont eu tendance à l’escamoter ». Il n’y a donc peut-être pas que de basses considérations financières ou des calculs électoraux derrière la décision de la France, mais aussi celles de l’Espagne, la Slovénie ainsi que la Suède ou la Russie de soutenir une vision islamique négationniste de l’histoire en apparente contradiction avec leurs propres valeurs.

Toujours est-il que le gouvernement français s’est déshonoré et qu’il a ce faisant attaqué frontalement son demi-million de concitoyens juifs à qui il ne cesse de clamer son attachement.

Les responsables communautaires juifs ont fait savoir leur mécontentement mais se sont vus opposer des réponses qui tenaient du mépris, tant elles étaient en décalage avec les décisions prises. Ainsi Irina Bokova, Directrice générale de l’UNESCO, affirme dans sa réponse à la lettre de protestation de Président du Conseil Représentatif des Institutions juives de France (CRIF) Roger Cukierman que les décisions du Conseil exécutif de l’UNESCO ne relèvent pas de sa Directrice générale – mais alors, comment peut-elle diriger une organisation dont elle n’assume pas les décisions ? Irina Bokova ajoute que « Jérusalem est une terre sainte des trois religions monothéistes, un lieu de dialogue pour tous les juifs, chrétiens et musulmans ». Non seulement, on l’a vu, il n’y a que le judaïsme pour qui le Mont du Temple est le lieu le plus saint (les Juifs ne demandent pas à partager la Mecque ou le Vatican mais on exige d’eux l’inverse), mais l’UNESCO ne laisse aucune place aux juifs et aux chrétiens dans sa décision qui affirme la suprématie islamique.

Le grand rabbin de France, Haïm Korsia a, lui, protesté comme il se devait auprès du ministre des Affaires étrangères Jean-Marc Ayrault. Le grand rabbin a étonnamment déclaré être « rassuré à l’issue de cet échange, le ministre ayant expliqué n’avoir jamais eu l’intention de remettre en cause, ni la présence ni l’histoire juives à Jérusalem, et redit que Jérusalem appartenait bien à tous les croyants, juifs, chrétiens et musulmans ». Les explications du ministre ne sont pourtant guère rassurantes puisque le texte voté remet bel et bien en cause la présence et l’histoire juives à Jérusalem.

Le tollé dans la communauté juive n’a à ce jour pas convaincu le gouvernement de faire amende honorable. François Hollande et Jean-Marc Ayrault ont nous l’avons vu défendu le vote français. Interpellé par le député Meyer Habib, le Premier ministre Manuel Valls vient néanmoins, le 11 mai (soit 25 jours après le vote), d’affirmer dans un langage très diplomatique regretter le vote de la France du fait de « formulations malheureuses et maladroites » . Un aveu bien tardif et en deçà de la réalité puisque les formulations ont été précisément choisies et étaient compréhensibles sans équivoque par tous ceux qui ont lu le texte avant de le signer. Force est par ailleurs de constater que le vote de la France contredit Manuel Valls lorsqu’il affirme, à l’unisson avec François Hollande et Jean-Marc Ayrault « Je veux le redire devant vous avec force, avec conviction : la France en aucun cas hier, aujourd’hui ou demain, ne niera la présence et l’histoire juive à Jérusalem. Cela n’aurait aucun sens, c’est absurde de nier cette histoire ». C’est pourtant précisément ce que la France vient de faire.

Quelques autres hommes politiques ont également tardivement affirmé leur opposition de principe à ce vote : le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve (qui s’exprimait devant les Amis du CRIF, sans que cela ne lui coûte grand chose puisque le dossier n’est pas dans ses attributions) et le président du Sénat Gérard Larcher (dont on n’oubliera néanmoins pas qu’il est allé comme d’autres responsables rendre visite aux dirigeants iraniens négationnistes à Téhéran en décembre dernier) notamment.

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On ne saurait toutefois jeter la pierre aux seuls socialistes : Nicolas Sarkozy et son ministre des Affaires étrangères Alain Juppé ont soutenu, en 2011, l’entrée de « l’Etat de Palestine » comme membre de l’UNESCO malgré l’inexistence de cet état et le négationnisme rampant parmi les dirigeants de l’Autorité Palestinienne dont Mahmoud Abbas lui-même.

Les médias silencieux, ou pire

Il faut par ailleurs noter que la presse a fait les affaires du gouvernement en passant pratiquement sous silence le vote français indéfendable. Seules quelques tribunes signées de défenseurs engagés d’Israël, comme celle de Gilles-William Goldnadel dans le Figaro ou des articles dans des médias moins grand public, comme celui de Richard Rossin dans Causeur, ont dénoncé le scandale. Il fallait sinon lire les médias communautaires juifs ou des blogs comme celui que vous parcourez pour en prendre la mesure.

Les grands titres ont été silencieux. L’Express, par exemple, n’a pas mentionné le vote en avril. Et ce n’est pas faute d’intérêt pour l’UNESCO, puisque le journal a – à juste titre – trouvé l’espace nécessaire à plusieurs articles relayant le point de vue de cette organisation sur Palmyre.  Pourtant, lorsque le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou a proposé quelques semaines après le vote d’offrir des cours d’histoire à l’ONU, le journal a néanmoins publié un article… reprenant les termes islamisés de l’UNESCO tout en tournant en dérision Benjamin Netanyahou et en traitant les Juifs de nationalistes provocateurs – traduire « extrémistes de droite », étiquette stigmatisante, ce qui est de bonne guerre anti-sioniste : « Netanyahu propose un cours d’histoire au personnel à l’ONU: non merci, répond leur chef – L’envoyé spécial de l’ONU au Proche-Orient a refusé samedi l’idée du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu de donner un cours d’histoire au personnel des Nations unies, après que l’Unesco a appelé Israël à respecter la liberté du culte musulman sur l’esplanade des Mosquées. (…)  A chaque fête juive, des juifs, pour beaucoup motivés par des raisons nationalistes, se rendent sur l’Esplanade, provoquant des échauffourées et parfois l’interdiction d’accès des musulmans au lieu saint, dont toutes les entrées sont filtrées par les forces de l’ordre israéliennes. (…) Le personnel de l’ONU à Jérusalem connaît bien assez l’Histoire de la région, de ses peuples et de ses religions ».

Le vote de la France est bien une remise en cause de la présence et de l’histoire juive à Jérusalem

En niant l’histoire juive, le gouvernement français perd le peu de crédibilité qu’il avait dans sa prétention d’organiser fin mai un sommet préparatoire en vue d’une conférence de paix. Cette initiative souffre de toute façon d’autres défauts mais on n’a quoi qu’il en soit jamais vu de plan de paix qui fonctionne en piétinant l’histoire d’une des deux parties.

A travers le déni des fondements du judaïsme, la chrétienté est aussi visée. Tous ceux qui, en France, savent ce qu’ils doivent à leur héritage judéo-chrétien ont le choix. Ils peuvent rester dans l’insouciance et choisir d’ignorer les turpitudes politiciennes qui ont il est vrai toujours existé. Ou ils peuvent se demander où mènera ce déni de l’histoire et ce que signifie la prise par l’Etat français d’une décision anti-juive et anti-chrétienne (donc hostile à la culture qui a nourri la France elle-même, ce qui confine à une tendance suicidaire), au moment où le pays est la cible des visées islamistes. De telles compromissions avec les tenants d’une idéologie totalitaire rappellent furieusement le comportement de la partie de la France qui crut bon de collaborer avec les nazis pour sauver sa peau – au mépris de la vie des Juifs et de sa propre liberté. L’Etat français s’est déshonoré d’une manière jamais vue depuis trois quarts de siècle et que l’on aurait espéré ne plus revoir de sitôt : la situation n’est pas encore aussi grave mais gare aux conséquences. L’étude des grands totalitarismes du XXème siècle montre que la falsification de l’histoire est la porte ouverte à tous les abus.

En 1975, l’Assemblée générale des Nations unies votait la résolution 3379 qui affirmait que « le sionisme est une forme de racisme et de discrimination raciale ». Il fallut attendre 16 ans pour qu’en 1991 la même assemblée révoque cette infâme résolution en en votant une nouvelle. Mais en 1975, les pays occidentaux dont la France avaient encore le sens des valeurs et s’étaient opposés à la résolution antisémite proposée par les pays musulmans et leurs alliés du bloc communiste et du tiers-monde. En 2016, la France a perdu son honneur en se compromettant avec les pays musulmans obscurantistes. S’ils pensent vraiment ce qu’ils disent, les responsables politiques qui reconnaissent maintenant « regretter » le vote de la France ont désormais pour devoir de réparer cette erreur historique avant que 16 autres années ne s’écoulent.

Annexe : le texte complet de la Décision 199 EX/19 de l’UNESCO sur la Palestine Occupée

Addendum :

« cette erreur, ce vote sont, du point de vue de la France, derrière nous« , a déclaré Manuel Valls le 12 mai au sénateur Philippe Dallier (LR) qui l’interpellait au Sénat (voir vidéo) au sujet du vote de la France. Le Premier ministre veut passer pour un grand seigneur en faisant mine de reconnaître une erreur (alors que les diplomates et politiciens professionnels lisant le document de l’UNESCO l’ont forcément adopté en connaissance de cause) mais considère l’affaire comme classée et laisse donc l’erreur non réparée.
Philippe Dallier a lui été excellent : il y a des responsabilités au plus haut niveau de l’état quant à cet acte hostile envers le peuple juif commis par la France au mépris de sa propre histoire judéo-chrétienne.

Reproduction autorisée avec la mention suivante : © Ilan Rein pour https://recitsdactu.wordpress.com

Le vote de la France à l’UNESCO respecte l’histoire juive, maintient le gouvernement malgré son soutien à une décision négationniste

Une réflexion sur “Le vote de la France à l’UNESCO respecte l’histoire juive, maintient le gouvernement malgré son soutien à une décision négationniste

  1. Germon dit :

    mépris, condescendance, mais ignares, arrogants, tels sont « nos politiques’ depuis 1967 soutenus par des médias aux relents vichyssois; une fois encore, tout est, tout est fait pour nous marginaliser au profit de l’antisémitisme droite/gauche confondues. C’est çà la Vème République.

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